Colloque du 15 juin 2013
Plusieurs de nos membres se sont rendus à Nantes pour le colloque organisé par Martine Lani-Bayle sur le thème « Récit de vie, entre mémoire et oubli » en juin 2013. Vous trouverez ici les échos de Geneviève en images et en mots sur les « avant », les « pendant » et les autres moments informels de cette escapade nantaise, et ci-dessous ceux de Marie-Christine sur le contenu de cette journée. Peut-être vous donneront-ils l’envie de vous rendre à votre tour à Nantes cette année ?
Des fleurs de myosotis nous accueillent sur l’écran de présentation, ils soulignent de leurs noms courants « Ne m’oublie pas », « Souvient-toi », le thème du jour.
RECIT DE VIE, ENTRE MÉMOIRE ET OUBLI
Comme le souligne Gaston Pineau qui ouvre la séance, il y a de la force vive qui habite les mots du langage courant, ils nous animent, nous réaniment même parfois.
Les laisser nous interroger, ouvre à coup sûr, un espace de travail, de dialogue, de découverte.
C’est la piste suivie tout au long du séminaire qui se déroule dans le bâtiment principal des anciens chantiers navals, surprenante et pourtant merveilleuse reconversion pour ce lieu de création. En sortiront d’autres nefs, d’autres navires, qui traverseront d’autres océans, et qui ramèneront dans leurs cales d’autres trésors. Ce seront pour nous, ceux de la mémoire partagée, qui tourne sous nos fenêtres studieuses, sous la forme d’un éléphant mécanique géant, fabuleuse et espiègle apparition qui nous adresse un clin d’œil malicieux, qui bien évidemment nous attire irrésistiblement aux fenêtres, délaissant pour un moment nos travaux et nos cahiers. Il habite ce lieu comme d’autres créatures fantastiques, nées de l’imagination et du savoir-faire des Hommes, qui se sont ici associés pour donner vie à l’imaginaire.
Cet ancien espace industriel est devenu « UN LIEU », un de ces centres immobiles créés le plus souvent par des hasards providentiels, autour desquels s’agencent, s’animent des idées, des rêves, où des hommes et des femmes industrieux travaillent à d’autres réalités possibles, créations, cristallisations réussies de l’imaginaire et du tangible.
Je l’ai reçu comme une invitation à laisser la porte du merveilleux ouverte dans nos lieux de vie et dans nos creusets de matérialisation.
Les questions soulevées par tous les conférenciers, viennent chacune à leur tour m’interroger.
Lorsque Martine Lani-Bayle nous parle de l’interdit de savoir, comme du devoir de mémoire, que l’on peut tout deux percevoir comme des dogmes garants sur le moment d’une certaine stabilité, statu quo précaire qui permet de continuer à vivre. Je me dis que l’expression « Il faut laisser du temps au temps » si souvent prônée par les anciens comme remède, est sans doute la réponse adéquate dans certaines situations. Laisser aux silences de nos mémoires, aux silences de nos secrets le temps du mûrissement.
Dans la pratique des histoires de vie, nous sommes souvent au chevet de ces silences de vie.
Nous pouvons parfois par des questions pertinentes en susciter, accompagner la mise en mots, la mise au jour, parfois aussi ensuite, devons-nous accepter le désir, la décision de l’effacement, de la mise en silence, de l’oubli. Peut-être même faut-il envisager que certains silences de vie sont voués à rester pour toujours enfouis, car indicibles, inavouables, impartageables.
Le chercheur Youen Cariou nous parle des silences dans lesquels baignent nos paroles, il les compare à la lumière noire qui baigne l’univers.
Une soupe de silence qui contient des lettres, qui émergent, s’ordonnent, s’agencent dans le récit pour donner sens, mettre en lumière nos trajectoires de vie. Un silence qui n’est pas oubli, mais le contenu inconnu, insondable, innommable, d’où émergent ça et là les îlots disséminés qui constituent notre parole.
Temporalités- présences absences
Robert Vialatte soulève la question des limites dans les stratégies mises en place dans l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Cette maladie si répandue aujourd’hui est peut-être un signe à lire, à interroger.
Que dit-elle de nous ? De notre rapport aux anciens et de la place que nous leur accordons ?
Peut-être est-ce le sentiment de l’inutilité, ou de l’incommunicabilité de ce que l’on détient comme expérience de vie qui efface ainsi les connections, les liens avec l’aujourd’hui.
A quoi bon garder en mémoire ce qui n’est plus stimulé par l’interrogation, ce qui n’est pas sollicité comme porteur de sens ?
Ce que je retiens, de ce questionnement autour de la maladie de la mémoire, c’est la question que posent fréquemment les personnes atteintes d’Alzheimer face à l’autre :
T’es qui toi ? Je la retiens comme un signe, une invitation à la rencontre qu’il nous adresse.
T’es qui toi, de quoi es-tu fait, de quoi sommes-nous tous faits ?
Est-ce pour répondre à cette interrogation que nous aimons tant les histoires ?
Que nous créons, interrogeons, les mythes et les légendes ?
Ce sont les interrogations que nous propose Gérard Ostermann, elles permettent peut-être de transmettre des vérités qui ne peuvent se recevoir qu’instillées, comme un parfum, une saveur, qui nourrissent, par en dessous, du dedans, nous relient à un au-delà de nous-même, que nous ne connaissons pas, ou plus.
C’est à cet au-delà, à cet au-dessus de nous que l’on se réfère lorsque comme Job nous sommes confronté à la souffrance, à l’absurdité, à l’isolement, à la mort.
On s’adresse peut-être alors à celui que nous sommes au-dedans, celui qui sait et connaît depuis toujours, celui que nous étions en naissant comme nous le raconte la belle histoire de l’ange de l’oubli de la tradition Juive.
C’est peut-être lui en nous qui raconte………instille les histoires….
L’ange de l’oubli
A sa naissance, l’enfant sait tout, mais lorsqu’il apprend à parler, l’ange de l’oubli vient lui rappeler, en posant un doigt sur le petit creux au dessus des lèvres en signe de silence, la promesse faite à sa naissance, celle de l’oubli de tout ce qu’il SAIT.
Je vais retenir comme dernier écho ensoleillé de ce séminaire, le petit bijou d’écriture que nous a offert Yvonne, jeune étudiante aux cheveux blancs, en partage, sur le thème du grenier.
Elle nous raconte les greniers, d’abord réservoirs à blé des communautés, réservoirs de richesse des nantis, et pour finir lieux de mémoire et dernier refuge de tous les objets qui ont arrêté de servir, dans nos vies et dans nos maisons. Ils nous parlent tous, chacun à leur façon du temps, ils racontent, témoignent, là-haut de la vie passée, ils chuchotent pour qui sait tendre l’oreille leurs tendres secrets et leurs douloureux silences. Lieux de souvenirs, lieux d’oubli, un entre deux mondes où le passé des morts, continue d’habiter le présent des vivants. Je vous propose, d’aller à son exemple visiter, découvrir, explorer nos lieux de mémoire, tendre une oreille attentive à ce qui chuchote là-haut……..
M.Christine Riedo, le 2.7.2013