La notion de partage
Elle dirigeait toute son attention sur la tartine que sa mère avait préparée ce matin, lui demandant si elle préférait de la confiture de cassis ou celle de framboise.
Partagera, partagera pas ? se demandait Sam qui avait quitté la maison en claquant la porte, le ventre vide, injustement puni pour un larcin qu’il n’avait pas commis.
Elle ne l’avait pas remarqué, moins encore ses yeux écarquillés d’envie.
– Partagera pas.
Une amie lui faisait signe dans le couloir. Elle s’était levée pour la rejoindre.
Sam s’était aussitôt emparé de la tartine qu’il avait dévorée en trois bouchées.
– Ma tartine ?
– Quelle tartine ?
Isabelle
—————————–
La fameuse plaque de chocolat venait le plus souvent de chez notre grand-mère.
Nous n’étions pas « gâtés », mes parents avaient trop peu de moyens pour le faire, mais nous ne manquions de rien, nous avions toujours de quoi partager.
La plaque de chocolat, c’était en général le samedi soir qu’elle faisait son apparition.
Il n’y en avait jamais qu’une, cinq lignes bien comptées que maman partageait cérémonieusement le samedi soir, seul soir de la semaine où nous étions autorisés à veiller après 20 heures, devant la télévision, alignés sur le canapé du salon avec une couverture sur les genoux, lorsqu’il faisait plus froid ; une ligne pour mon frère, une ligne pour ma sœur, une ligne pour moi, une pour papa et la dernière pour maman…
Nous avons grandis, papa s’en est allé puis un jour, maman plus disposées aux confidences que d’habitude nous a confié qu’entre ma naissance et la naissance de mon petit frère, il y avait eu une autre grossesse qui s’était arrêtée à quelques semaines seulement.
Mon frère, avec sa grosse voix d’homme, de chef de famille par intérim, de murmurer :
« alors, la plaque de chocolat, elle n’aurait pas suffit ! »
Et nous tous de sourire. Le partage de la plaque de chocolat restera pour nous le symbole de la cohésion familiale.
Astrid
—————————-
Il s’agit d’une rencontre entre les assistants de notre foyer. Ils vont prendre une bonne heure pour se donner des nouvelles d’eux-mêmes, de leur santé, leur vie intérieure, leurs sentiments, les événements de leur vie personnelle, familiale, sociale, comment ils se situent dans la communauté.
Dans le salon l’ambiance est feutrée, protégée, la lumière douce.
A chacun son tour, au fil des mois, les assistants ont la possibilité de préparer le moment de partage : choisir une mélodie, un texte ou des images, une découverte, une passion, une dégustation, un événement de notre vie communautaire qu’il présente durant une dizaine de minutes à l’équipe rassemblée.
Après un temps de musique ou de silence, tous les participants les uns après les autres, lorsqu’ils se sentent prêts saisissent le gros pompon de laine colorée et communiquent aux autres de ce qui les habite. Parfois, c’est seulement le silence.
L’équipe écoute sans interrompre et accueille comme un cadeau la confiance accordée… Respect, confidentialité, non jugement, surprise, compassion parfois, gratitude.
Ce moment rituel et régulier de partage permet aux membres de l’équipe porteuse au foyer de se connaître et de se comprendre mieux que seulement à travers les rencontres et les gestes du quotidien.
Ce moment rituel et régulier de partage construit peu à peu la communauté et en cimente les relations interpersonnelles.
Marie-Alice
—————————–
La Terre que nous partageons. Partageons vraiment ?
La terre que mon père retournait avant l’hiver. Je crois.
Partager le bonheur, partager la douleur
L’instant qui passe
Le murmure, le souffle.
Ôte-toi de là, tu me bouffes mon soleil
De quelles ombres suis-je propriétaire ?
De quelle lumière es-tu le maître ?
Le partage d’amour c’est celui du père au fils prodigue
C’est celui que j’ai découvert après la naissance de mon deuxième enfant. J’avais si peur de ne pas savoir l’aimer autant que l’autre. Cette révélation ; plus il y a d’amour et plus il en vient. La richesse du partage, la multiplication à l’infini.
Catherine
—————————–
Nous sommes venus de Suisse pour vous apporter notre « aide ». Nous avions dix-sept ans, dix-huit ans, et des idéaux plein la tête. Vous rencontrer fut pour moi un choc. Vous étiez environ deux cents, filles et garçons, petits et grands. Enfants de Calcutta, orphelins de la ville grouillante et bruyante, vos sourires avaient une blancheur et une candeur extrêmes.
Ça n’a pas été facile pour moi de partager mon espace vital avec autant d’êtres humains à la fois. J’ai souvent manqué d’air. Mais dans cet espace à réinventer, un univers s’est ouvert. Dans cette lune ronde et blanche que nous avons contemplée ensemble, j’ai découvert l’appartenance commune au genre humain. Chaque fois que je la vois d’ici, pleine et prête à enfanter dans le ciel, je pense à vous.
Josiane
—————————–
C’est en tartinant une tranche de pain paysan, taillée dans une miche de belle taille,
que j’ai retrouvé, là, suspendus dans ce geste, le goût et la saveur du bonheur partagé,
c’était maintenant, et c’était alors, à la table du soir.
Du pain tartiné trempé dans le café au lait, en union, en silence, doux souvenir, métaphore
aussi du partage essentiel, de tout ce qui nourrit et rassasie.
Marie-Christine